A propos

Jusqu'à l'an dernier je travaillais le dessin et la peinture à partir de fleurs mortes et de cadavres d'animaux. Je m'intéressais à l'aspect biologique et la décomposition du vivant, et indirectement mon axe de recherche questionnait la place du mort dans notre société.

J'ai eu ensuite besoin de me détacher de la pratique du dessin qui m'était devenue trop systématique et familière.

Je m'intéresse plus aujourd'hui à la manière d'investir et d'occuper un espace, par le volume. J'utilise l'argile comme medium, en cherchant à lier la matière, le geste et l'espace, à réfléchir sur la relation entre la matière et son façonnage, sur le lien entre le matériau et ses différents usages. Ces recherches m'offrent la possibilité de tisser de nouveaux liens, d'appréhender la matière différemment, de m'approprier un geste, d'essayer de m'inscrire dans un espace et m'ouvrir sur de nouvelles perspectives.

Je travaille la forme, le contenant/contenu, le récipient, et plus particulièrement le bol et l'urne funéraire dans son rapport gravidique.

Etonnement le vocabulaire qui décrit les différentes parties de la poterie est très organique. On parle de lèvres, de col, de pied, de panses, etc. Il existe une analogie formelle et lexicale de la céramique, une analogie entre l'urne funéraire et un ventre pansu, un chemin entre le terrestre et le solaire, entre le passé, le présent et le futur, un tout qui se joue sur un éternel recommencement.

Dans l'histoire de l'humanité, la céramique est la première transformation volontaire par l'humain d'un matériau, l'argile, pour en devenir un autre.

Les premières traces de foyers (probablement ceux-ci étaient utilisés pour la cuisson) connues à ce jour datent de - 500 000 ans en Chine. A partir du moment où les premiers hominidés ont su maitriser le feu, ils ont alors amélioré leur conditions de vie et de survie et ils ont eu la possibilité d'inventer de nouveaux modes et supports d'alimentation, de transport et de conservation.

La céramique est une combinaison d'argile, de sable, d'eau et de feu. La terre cuite n'a aucun impact sur son environnement, elle est non polluante et n'a pas d'impact sur son environnement. Toutes les civilisations, des plus prestigieuses aux plus indigentes, sauf à de rares exceptions, produisent ou ont produit de la céramique à partir du Néolithique.

La céramique peut être considérée aujourd'hui comme un matériau pauvre, d'une démarche humble, certainement c'est aussi une tentative de lutte contre les nouvelles technologies et le consumérisme.

Une céramique est éternelle, plus qu'une momie ou une pyramide, plus que de l'acier ou du béton (1).

Je travaille le rapport à la terre comme lien avec notre passé, notre histoire, sur ce qui nous constitue et que nous avons certes oublié, mais qui nous appartient, qui est en nous. D'une certaine manière cela me permet de tenter de comprendre ce que nous sommes aujourd'hui.

Je suis convaincue que le travail de la terre et le modelage sont inscrits dans nos gestes, et que ce geste perdure tout au fond de chacun d'entre nous, inscrit profondément par delà les millénaires.


Se rappeler notre lien avec la terre, que nous foulons quotidiennement de nos pieds.

La terre comme support de nos vies, la terre comme élément vital.

La terre dont nous oublions qu'elle est nourricière, dont nous oublions que nous lui donnons à manger ce qu'elle nous donne à manger.

Que nous vivons d'elle et que nous vivons sur elle.

Que nous retournons à elle et qu'elle se nourrit de nous, de nos corps et de nos cendres. Que nous nous nourrissons de nos déchets.

La terre dont nous oublions l'odeur, dont nous oublions qu'elle est sous le bitume.

La terre que nous ne voyons plus, que nous ne savons plus regarder.

La terre comme matériau de construction utilisé depuis des millénaires et dont un tiers de la population mondiale utilise encore aujourd'hui.

La terre comme élément naturel, écologique, disponible partout et abondant, facilement accessible, et économique.

La terre aussi qui est mortelle, dont les ressources sont épuisables.

La terre comme une archive de notre passé.

La terre aussi pour ensevelir les corps, pour leur donner une sépulture.

Et aujourd'hui, que faisons nous de nos morts ?


(1)

"Le silence des signes- une archéologie de la céramique"

Dominique Allios « échappées » N°1 L'invisible est réel

Revue d'art et de design de l'école supérieure d'art des Pyrénées - Pau Tarbes

Décembre 2012

2022 Elisabeth SIMON - 76000, ROUEN
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